LA TENDRESSE DE LA VISION DE-FIGURALE
(un texte d’aurélien réal)
Peindre ou poindre et oindre de la Vision la toile : support de projection où l’inconnu se jette, puis se donne par la main l’œil qui d’outre-forme par les formes les baratte de lumière et de pâte picturale, pour nous laisser avec celles-ci, les spectrales, nager ou essayer de surnager jusqu’à s’absorber progressivement dans le bain de la vision dépossédée. De la cécité blanche naît ce voir d’inconnu en simultanéité pré-formel et formel mais surtout celle-ci aiguisée par le geste à l’abandon d’un savoir alors sur la chose et sur le sujet qui peint… S’effondre le support d’assise de l’œil pour ne laisser de la technique picturale que la paradoxale maîtrise de la fluviale et fusive traverse de l’emportement…
Quand le regard des yeux se renverse dans le voir de la main et que le cœur se recueille dans l’embrasement de la tendresse que l’inconnu nous ouvre alors : le Dé-figural ! Peindre est une immersion, un climat, une alchimie de la chimie de tout ce qui compose et dispose la peintre jusqu’à la soustraire du dessein auquel préalablement, elle aurait souscrit en son dessin inaugural. Un chassé-croisé du rapport des flux entre intention et déportation.
Il n’en demeure pas moins que Lucia Diris se passionne pour les structures géométriques qui sous-tendent l’enveloppement de toutes les formes, c’est à dire leurs proportions, leurs scansions, leurs matérialités jusqu’au vécu des objets, des espaces et des êtres ; celles-ci de plus en plus spectrales brisent le rapport au cadre dans lequel la perception de la pensée ne cesse de les vouloir se tenir dans l’antagonique : figuration/abstraction. Pour la peintre ici, rien de moins certain à tenir si ce n’est de laisser aller l’expression des états multiples et agonistiques voire imprescriptibles du brasier qui les porte hors de toutes normes…
L’espace pictural dans lequel nous sommes invités nous fait immédiatement spatialité du voir et sensitivité corporelle du sentiment de déprise et de dessaisi qui nous traverse par cet excès, nous les transfuges, les errants et noyés dans cette tendresse que dispense l’ensemble par les nuances chromatiques au micro-ton des toiles. Nous plongeons dans l’abîme entre blancs et noirs qu’un arc-en-ciel de couleurs tend et confond jusqu’au mitan de la consonance et de la dissonance d’un thème ; de sa coulée dans la pâte mâchée, par la main de l’œil qui s’émeut de la tragédie de la terre et de son monde. Les images d’hier au criant de l’aujourd’hui rassemblées et fusionnées au crissant des antagonismes figurés, jusqu’à ces noirs d’Hiroshima fouillés, lacérés, éventrés, turbulents… qu’une déhiscence de fond laisse chez la peintre surgir des fragrances étranges, d’or…
Mais aussi ces toiles des “Flottants” virant vers les verts cerises d’un déjanté du pinceau qu’un “Défaire d’abandon” porté par la surabondance que l’épuisement octroie jusqu’a cette folie de l’entre-deux où la “Forme et sa défaite” nous déconcerte autant qu’il se peut que nous soyons comblés. Sur une même toile, le rapport figuration et abstraction joue à plein régime pour notre désappointement ! Mais revenons à ces toiles où des structures octogonales, vaisseaux voyageurs dans l’élément spatial de la peinture, portées par les variations d’une mise en scène globale où celles-ci s’interrogent : de là, une dérive où apparaissent des polyèdres s’inventant et esquissant de nouveaux vortex que la transe des insoupçonnables nous dévisse la tête où le Dé-figural se fait structural à la fois : ordre et chaos d’ordre…
Platonicienne excursion ? Il est probable ici que dans ce dénouement pictural que nous offre Lucia Diris, nous soyons invités à ce regard où l’ensemble et le fractal se mêlent jusqu’au son de la structure de notre univers des formes, qui n’est rien d’autre que la structure en rapport de tension de force de la lumière qui se densifie pour nos yeux en tant que la pensée la puisse nommer : matière d’un lieu.
Emportés et poussés dans l’âtre où l’alchimie de la lumière nous convie, nous surprend, convives des couleurs chauffées à l’aune de l’expérience directe du p-oindre à l’extrême.
Nous nageons !
(aurélien réal)
RADIANCE
(Un texte de Nathanaël Flamant)
Par l’attention excessive du peintre, on aura vu la lumière jouer sur les choses, on l’aura vue représenter sa propre force agissante à travers des icônes, des scènes spirituelles ou la simple lumière du jour, on l’aura vue luire en tant que flamme ou astre, mais elle, on ne l’aura jamais peinte.Tant que la lumière fut objet, elle plongea le peintre dans l’excessive souffrance de sa quête, jusqu’à l’obscurité de son oeil, la peinture touchant l’art aveugle.
De là, dans cet abîme de nuit de l’épreuve, Lucia Diris s’est réveillée l’oeil clair, l’oeil clair s’est ouvert en elle, un oeil qui n’est pas des yeux mais de la lumière elle-même. Alors son peintre, délivré de l’objet-lumière, n’éprouvant plus l’effort de peindre, s’est fait le don du cristallin, donnant sa lumière, que ce soit de son immobile point d’appui ou de sa vitesse en mouvement.
Évidemment, mystérieusement, radiance.